Poésie/Théâtre

Librairie Nouvelle

Un texte à la recherche du sacré…

Le regard bleu

Nous connaissons par ouï dire l’existence de l’amour.

Assis sur un rocher ou sous un parasol rouge, allongés

dans le pré bourdonnant d’insectes, les deux mains sous

la nuque, agenouillés dans la fraîcheur et l’obscurité d’une

église, ou tassés sur une chaise de paille entre les quatre

murs de la chambre, la tête basse, les yeux fixés sur un

rectangle de papier blanc, nous rêvons à des estuaires, des

tumultes, des ressacs, des embellies et des marées. Nous

écoutons monter en nous le chant inépuisable de la mer

qui dans nos têtes afflue puis se retire, comme revient

puis s’éloigne le curieux désir que nous avons du ciel, de

l’amour et de tout ce que nous ne pourrons jamais toucher

des mains.

la mer en nous essaie des phrases

Depuis des lustres, la même voix épelle le même alphabet

dans le même cerveau d’enfant. Elle balbutie des mots

vite envolés, accrochés aux herbes des plages, à la peau

brunie des baigneurs, à la proue des barques, aux mâtures.

Des mots quelconques, pour rien et pour quiconque.

Il n’y est question que de l’amour. C’est pourquoi

nous ne savons trop que dire et souffrons que le regard

d’autrui s’attarde sur notre visage quand nous voudrions

qu’il se pose à même notre cœur. Nos lèvres sont si

maladroites, notre corps invisible dans la nuit opaque,

et nos mains malhabiles, des éclairs et des ailes pourtant

au bout des doigts.

Jean-Michel Maulpoix, Une histoire du bleu, Ed. Mercure de France

Bien à vous toutes et tous.

Géraldine Hérédia

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