Poésie/Théâtre

Librairie Nouvelle

Encore un peu de la sagesse de Pessoa,

Le Tage est plus beau que la rivière qui traverse mon

village,

mais le Tage n’est pas plus beau que la rivière qui traverse

mon village

parce que le Tage n’est pas la rivière qui traverse mon

village.

Le Tage porte de grands navires

et à ce jour il y navigue encore,

pour ceux qui voient partout ce qui n’y est pas,

le souvenir des nefs anciennes.

Le Tage descend d’Espagne

et le Tage se jette dans la mer au Portugal.

Tout le monde sait ça.

Mais bien peu savent quelle est la rivière de mon village

et où elle va

et d’où elle vient.

Et par là même, parce qu’elle appartient à moins de

monde,

elle est plus libre et plus grande, la rivière de mon village.

Par le Tage on va vers le Monde.

Au -delà du Tage il y a l’Amérique

et la fortune pour ceux qui la trouvent.

Nul n’a jamais pensé à ce qui pouvait bien exister

au-delà de la rivière de mon village.

La rivière de mon village ne fait penser à rien.

Celui qui se trouve auprès d’elle est auprès d’elle, tout

simplement.

Fernando Pessoa, Le Gardeur de troupeaux, Ed. Poésie/Gallimard

Bien à vous.

Géraldine

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